Lorsque je me suis enfin autorisée à écrire un "vrai" roman, j'ai découvert ce sentiment de toute-puissance qu'on obtient à animer des vies.
Depuis l'âge de dix ans, j'ai entamé des cahiers, quelques pages, jamais très loin, pour essayer d'y coucher des histoires sorties de mon imagination, teintées des ambiances des livres et des films que j'aimais. Trop ambitieuse - ou trop moquée -, je n'ai pas poursuivi et pendant très longtemps, je me suis contentée des mots des autres.
Puis est venue la libération : j'avais du temps et une idée qui m'occupait l'esprit. Je me suis libérée et j'ai enfin entamé l'écriture de mon premier roman.
Et j'ai découvert mon pouvoir ! J'étais un dieu qui manipulait ses sujets. Je leur faisais subir les pires avanies, les mettais dans des situations difficiles - pour le moins ! - et m'amusais de ces manoeuvres. C'était jubilatoire !
J'ai aussi découvert le pouvoir exorciseur de l'écriture : ce que l'on met de soi dans les personnages, les lieux, les situations. Un bout de sa personnalité, des expériences vécues ou rêvées, des endroits chers à son coeur que l'on fait revivre ou qu'on garde avec soi grâce à nos mots. Il en ressort un sentiment quelque peu douloureux et mélancolique, teinté d'une légère inquiétude : qu'est-ce que le roman dit de nous ? Que va-t-on reconnaître de soi dans les mots alignés dans la page ?
Sensation mâtinée d'une autre, plus agréable : celle de se permettre de vivre, à travers les histoires, ce qui ne sera jamais possible. Ce qui tente, ce qui renforce, ce que l'on craint. Double jeu de l'auteur qui met du sien dans ses romans, tout en inventant - en s'inventant ? - d'autres possibles, d'autres ailleurs. Ce cache-cache avec le lecteur s'apparenterait parfois à un trouble dissociatif de la personnalité, non ?
Ecrire est une formidable liberté, dans laquelle on apprend beaucoup sur soi. Et si, en plus, on peut embarquer avec soi des lecteurs heureux, l'aventure est complète...
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